Made in China, loin d’être Made in Japan; bientôt Made in Korea?

Pour les vieux et cons comme moi, vous vous souviendrez surement de l’époque où l’on insérait une cassette à ruban dans notre Walkman avec le bruit des engrenages lorsque nous enfoncions le bouton Play. L’époque du Betamax qui ne faisait jamais défaut et des consoles de jeux vidéos 1ère et 2e générations. L’époque où manger du poisson cru était considéré comme ultra avant-gardiste et aux limites du tabou. L’époque où le reste du monde regardait, d’un oeil à la fois empreint d’admiration et de crainte, un petit archipel d’Asie du Sud-Est sur le point de se porter acquéreur de la planète entière. Ce fut l’époque « Made in Japan », où ces trois mots, gravés sur tout ce qui était génial, signifiaient qualité, efficience et durabilité.

Reverrons-nous cette révolution technologique que le Japon nous a emmenée? Pour répondre à cette question, analysons la situation des trois pays susceptibles d’être le nouvel état techno.

Japon

Marasme économique rampant, catastrophes naturelles périodiques, malaise politique redondant, population vieillissante, jeunesse paumée, société désorientée, géant aux pieds d’argile… pays déchu. Une nation qui a certes connu de meilleurs jours.

Nombreuses tables rondes de sociologues et d’économistes discutaient alors de ce qu’ils surnommaient le « miracle japonais ». Plusieurs ne cachaient pas leur inquiétude – ou xénophobie – vis-à-vis ce phénomène de « japonisation ». Les économistes qualifiaient d’anomalie cette nation au capitalisme aussi fort, malgré un état interventionniste. Hollywood était persuadé qu’ils allaient acheter les États-Unis en entier. C’était le moteur économique turbochargé de l’Asie et sa prospérité donnait des frissons au reste du monde. Pas de classes sociales autres que la classe moyenne, chômage inexistant ou presque, taux de criminalité extrêmement bas.

À une vitesse spectaculaire, le Japon était passé de petit chien battu, exportant des produits peu fiables et bon marché, à superpuissance économique qui donnait des sueurs froides aux Américains. Ils se permettaient même une certaine xénophobie face à ces « gaijin » volubiles et sans self-control. Le Japon ne connaissait aucun des problèmes des autres pays industrialisés, alors pourquoi écouter leurs discours moralisateurs? Cependant, refusant de se l’admettre, le miracle japonais était maintenant rendu intenable pour toutes les facettes de leur société, laquelle commençait à montrer les symptômes d’un grand malaise.

Malgré tous les signes d’une explosion imminente, le Japon vivait dans le déni. L’archipel maintenait son rythme, emporté par une hystérie collective. En 1987, alors que les autres pays subissaient une accablante récession, l’économie du Japon fonctionnait toujours à plein régime, supportant le reste du monde. Pour se faire, on jetait de l’huile sur une économie déjà en feu, l’hystérie d’une expansion sans fin ayant pris le dessus.

Le système craquant de partout, le gouvernement craignait de perdre le contrôle. Ce dernier décida d’intervenir, mais c’était déjà trop tard. La bulle éclatait et le pays tomba de haut et ne se releva jamais.

Chine

Après une centaine d’années d’humiliation et de vache maigre, La Chine a finalement détrôné le Japon comme numéro 2 mondial, et talonne de près les É.-U. Rapidement devenue l’usine – et le dépotoir – mondiale, elle connaît une montée de nationalisme aussi rapide que son PIB.

De la fin de la 2e guerre jusqu’à la révolution culturelle, la Chine n’avait pas tout à fait la super pêche. Mais vint le moment où le outsourcing devint le truc in pour les multinationales. La nation chinoise était alors mûre pour une exploitation en règle.

Car voilà-t’y pas qu’elle se pointait avec son milliard et plus de citoyens prêts à une séance intensive de cheap labor pour le bien commun. Nulle part ailleurs pouvait-on trouver des ouvriers prêts à rester dix heures en ligne en plein milieu d’un moule industriel à pression hydraulique pour y mouler des babioles en plastique.

Du coup, vient un déferlement en règle sur nos tablettes du fameux Made in China. Sauf que ces trois mots ont une signification tout autre. Le Made in China n’arrive même pas à la cheville du Made in Japan. C’est la définition même du cheap stuff, de la pâle copie. Le « miracle chinois » n’est en fait qu’un raz-de-marée de breloques en plastique. Leur seul but a toujours été de produire plus, aux tarifs les plus bas, sans aucun souci d’esthétisme, d’amélioration ou de développement technologique. Si vous espériez des produits le moindrement durables, n’y pensez plus, avec le Made in China, ça n’arrivera pas.

Je ne sais pas si vous avez suivez les dernières nouvelles, mais la Chine s’est enfoncé dans son propre tas de déchets à tous les niveaux. À part Hong Kong, l’environnement en général s’est dégradé à tel point qu’un coin propre ressemble à une tache saillante. Les indices de pollution défoncent toutes les chartes et le nuage de smog permanent de Beijing vient même empuantir le Japon.

Ils sont si affamés de ressources qu’il pille le reste du monde. Tout comme les riches touristes chinois, ils achètent tout et partout sans regarder. Ils sont prêts à aller en guerre pour un petit groupe d’iles à la con.

Mis à part un plus grand nombre de millionnaires, la société chinoise est loin de connaître des jours glorieux. La différence des classes est l’une des pires au monde, et le mainland China crève encore et toujours de faim. Shanghai, le centre commercial survolté de la Chine ressemble de plus en plus à Hong Kong. C’est en Chine, mais ce n’est pas la Chine. Vous me suivez toujours?

En réalisant que le seul patrimoine que nous laisse la Chine est un tas de dégueulasseries, c’est à se demander si tout ce développement effréné était vraiment nécessaire. Ou plutôt, s’ils l’avaient fait de façon intelligente – comme le Japon – nous aurions peut-être connu une nouvelle ère de développement technologique comme l’époque du miracle japonais.

Corée du Sud

Séoul, jusqu’ici resté dans l’ombre, semble être sur le point de créer une nouvelle révolution. Le même genre de révolution de l’ère du Miracle japonais des années 80. Car depuis la chute de l’archipel japonaise, personne n’a pu clamer le trône de l’état technologique mondial. Du moins pas encore.

On ne cesse de nous la ramener avec « la Chine est le nouveau Japon ». Il est vrai, comme je le disais, que la Chine a pris le pôle de superpuissance d’Asie et a dépassé le Japon en terme de PIB. Mais est-elle la leader en production de masse de la qualité et du cool? Absolument pas.

La Corée du Sud est en meilleure position pour devenir le prochain techno-state.

Ils ont gardé un régime sain et ont mis l’emphase sur la R&D, tout en s’inspirant du modèle japonais du kaizen – les micro-innovations et l’amélioration continue. Résultat : nous voyons maintenant une vague de produits sud-coréens – gadgets électroniques, voitures fiables, jeux vidéos, bref tout ce qui est cool et sophistiqué – se pointer dans nos vies de consommateurs affamés du dernier gadget branché. C’est sans parler de la machine K-Pop – aussi merdique qu’elle puisse être – qui botte des culs dans les palmarès intercontinentaux. Park Geun-hye, la nouvelle présidente à promis de mener le pays dans une nouvelle ère de croissance et de réformes sociales.

Bref, la scène socio-économique sud-coréenne rappelle beaucoup celle du Japon. Alors, connaitrons-nous une nouvelle révolution pop techno? Sommes-nous déjà en plein dedans?

La réponse est non. La Corée du Sud montre des signes qu’elle a atteint ses limites. De un, la population qui plafonne les 50 millions, est de beaucoup inférieure à ses deux grands rivaux. De plus, elle a dépassé le Japon en terme de vieillissement et du taux de suicide. De deux, sa société, ouvertement misogyne, est plus que jamais sur le bord d’un épuisement collectif. De trois, le développement économique est infecté par la corruption et la collusion des chaebols – les conglomérats familiaux à la main mise sur le gouvernement. Il lui sera tout simplement impossible d’atteindre les mêmes sommets.

Vu que le Japon aspire à un retour en force et la Chine est déterminée à rester au top, on peut s’attendre à ce que la rivalité amère des dragons se poursuivre dans les années à venir. Et n’oublions pas p’tit Kim, le dictateur frustré de Corée du Nord, bien décidé à foutre la merde un peu partout.

Je dois admettre bien tristement que nous ne verrons ni de miracle chinois, ni coréen, et ne reverrons pas de miracle japonais. Cette époque n’est plus qu’un souvenir, et le Made in Japan restera à jamais inégalé.

Carl T. Slater

Carl est un gaijin banlieusard paumé vivant à Funabashi, pas trop loin de Tokyo. Il n'a d'autre chose à offrir que des observations biaisées sur les trois dragons d'Asie, tout en essayant de ne pas trop faire honte à sa femme.

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